Mon séjour à Mallaig
- Julia
- 21 janv. 2018
- 10 min de lecture
Les premiers jours :
J'ai aidé Marc à préparer le repas du soir. Sa mère lui a offert un robot à tout faire ce qui rend la tâche plus facile. Il m'a gentiment laissé couper l'oignon ... mais j'ai accepté car mes lentilles de contact me donnent une résistance accrue aux éclaboussures de ce bulbe (C'est pas pour autant qu'il faut me les refiler la prochaine fois que je vous aide à cuisiner ^^). Nous avons donc partagé le repas et discuté sur je ne sais plus quel sujet où m'a question préféré était probablement "How do you say ... in English ?".
Il a quitté son appartement vers 7h ce matin pour rejoindre le collège où il travaille. Il est professeur de science. J'ai donc son appartement pour moi toute seule et j'en profite pour ne rien faire. Juste rester jusqu'à pas d'heure dans le lit d'environ 3 matelas empilés les uns sur les autres. Il a l'air de faire 0°C à l'extérieure de mon lit. Marc souhaite faire des économies de chauffage dans son appart et même s'il m'a dit de ne pas hésiter à allumer celui de ma chambre, j'ai préféré respecter sa démarche qui est en plus de cela, écologique. Par contre, j'ai pas lanciné lorsqu'il ma proposé sa couverture chauffante qui recouvre actuellement la couette dans laquelle je me suis emmitouflée.
Je crois que je me suis épuisée mais j'ai pas envie de perdre une minute de mon séjour à Mallaig. Alors je fais des plans sur la comète, les yeux rivés sur le site Bikemap qui me permet d'organiser mes étapes. Je veux absolument visiter l'Ile de Skye cette semaine. Je prendrai le ferry du matin, rejoindrai Portree, ferai la boucle du nord, retournerai à Portree et rejoindrai Mallaig le lendemain soir. Tout ça m'excite et m'inquiète à la fois. C'est juste beaucoup de kilomètres et de dénivelés en 3 jours.
Je décide enfin de me lever et de profiter de faire un tour dans Mallaig. Je me trouve face au détroit de Sleat. Les mouettes et goélands piaillent. Le vent souffle. La mer se laisse bercer. Je vois au loin les bateaux de pêches s'amarrer au port. Celui-ci relie Mallaig aux Iles de Canna, Rum, Eig et bien sur Skye. Puis, un peu plus à ma droite, un vieux phare se tient debout sur une ligne de rocher tout juste émergée des flots.
La route monte. Je cherche un sentier qui m'amènera sur les hauteurs de la ville.
Les hautes collines (j'ai un peu de mal à les appeler montagne) qui sillonnent la région sont nues et humides. Comme à mon habitude, je quitte les sentiers pour sentir mes pas sur le terrain vierge et sauvage. Ça me donne cette sensation d'être libre. De choisir où je vais. De découvrir des lieux où peu d'humain y on fait le détour. Parfois, c'est juste un trou plein d'eau où mon pied reste coincé pendant quelques secondes. C'est juste froid et humide. Parfois, c'est un grillage qui m'empêche de continuer plus loin. Et parfois, c'est une belle vue sur la mer, un joli lichen sur un rocher ou l'apparition soudaine d'un rouge gorge.
Je rentre les pieds trempés mais ravigoté par l'air frais.
Pour remercier Marc de me prêter son logement pour une dizaine de jours, je décide de faire des crêpes et de préparer le repas du soir avant qu'il ne rentre de son travail. Les crêpes sont réussies mais mon gratin carottes/patates douces est raté ...
Je souhaite partir demain pour l'île de Skye. Nous mangeons mon repas pas très ragoutant et il me montre comment s'y rendre...
Je ne passe pas une très bonne nuit. J'ai chaud, j'ai mal partout. Je dois prendre le ferry à 8h40 mais mon corps ne veux pas. J'ai sué toute la nuit. J'aurai peut-être l'occasion d'y aller plus tard quand j'irai mieux. J'ai pas forcé. J'ai même pas essayé de bouger un orteil pour sortir du lit. Mon corps me dit "Stop !". C'est pas à mon habitude de l'écouter mais cette fois-ci sa ténacité m'a convaincue.
Je suis resté deux jours sans sortir...
L'île de Rum :
Je commence à me sentir un peu mieux. Je ne veux pas perdre une nouvelle journée confinée sous ma couette à me lamenter que je suis en train de rater pleins de belles choses à faire. Il y a un ferry qui part sur l'île de Rum ce matin à 10h20. Avec encore quelques courbatures, je m'extrait péniblement du lit et me prépare. J'arrive au port une bonne demi-heure avant pour prendre mon ticket aller-retour. Le capitaine du bateau attends devant l'embarcation pour accueillir les passagers et prendre leurs billets. Nous sommes moins de dix à vouloir faire le trajet. Je suis la première à monter à bord. Il n'y a pas de pont prévu pour les piétons et l'entrée se fait directement par la rampe réservée habituellement aux véhicules. Je m'installe dans la cabine où sont disposé tous les sièges alignés les uns aux autres. Je peux également accéder à l'extérieure pour admirer un bel arc-en-ciel se profiler à l'horizon. Je regarde les techniciens enchaîner les manœuvres pour quitter le port et prendre les flots. C'est parti !
Je suis surprise de ne voir personne dans la cabine où je me trouve. Finalement, quelqu'un me rejoint. Il a l'air de venir de l'étage inférieure. Je jette un coup d’œil dans l'ouverture de la porte par laquelle il est entré. Derrière, un escalier descends. J'entends les voix graves des hommes s'esclaffer. J'ose pas tout de suite y aller de peur d'attirer les regards sur moi, la jeune fille étrangère qui fait du tourisme en Ecosse l'hiver. Puis, après quelques minutes de réflexion, je me dis que c'est une peur qui n'a aucun sens. Je descends les marches et accède à la pièce inférieure qui n'est autre que le restaurant. Je n'aurai jamais imaginé qu'un bateau dont le trajet ne dépasse pas 1h30 pouvait être aussi confortable. Je choisi une petite table près d'un hublot et m'y installe. Je suis la seule femme à bord et les passagers on l'air de tous se connaitre. Je commande un thé. Celui-ci à l'avantage de me réchauffer les mains refroidies par mes séances photos répétées sur le ponton du bateau.
Nous arrivons sur l'île. Il fait gris et humide. Une route principale donne accès aux toilettes, restaurants et magasins fermés de l'île. Bah oui, ils étaient pas courant qu'une touriste viendrait mettre les pieds ici à cette période. Cela dit, je ne suis pas déçue. Le paysage est splendide. Je n'ai que deux heures avant le départ du bateau retour, je n'ai donc pas une minute à perdre pour faire ma visite. Je vais là où mes pas me guident. A l’affût des oiseaux et beaux paysages.
Je retourne en direction de l'embarquement aux alentours de 14h. Les mêmes hommes que l'aller arrivent à leur tour. L'un d'eux entame la discussion avec moi. Je comprends pas tout de suite ce qu'il me dit. Il me parle vite avec un fort accent. Je lui dit que je suis française et que je ne comprends pas tout. Il rapproche son visage à quelques centimètres du mien pour me répéter "Holidays ?" (Vacances ?). Ça m'a un peu impressionnée mais j'ai fait comme si de rien n'était. J'ai répondu "Yes, I'm travelling since 3 months" (Oui, je voyage depuis 3 mois).
On est monté dans le ferry et j'ai repris ma place près du hublot. Je n'ai pas encore mangé et la cafète propose une soupe maison accompagnée de pain et de beurre. Un petit plaisir que je ne me refuse pas. Il ne se moque pas des passagers ici ! Non, je n'ai pas eu la soupe qui tient tout juste dans une tasse de thé ou dans un pauvre contenant en carton plastifié. Non, pas du tout, j'ai eu le droit à l’assiette creuse complète avec des vrai morceaux de pommes de terre et de poireaux, accompagné de 2 miches de pain et tout ça pour le prix raisonnable de 3£50. Hmmm, j'apprécie mon affaire avec cœur et salivation :) !
Une nuit dans un Bothy :
Un Bothy, c'est ce qu'on pourrait appeler en France un refuge non-gardé ou une cabane. J'ai envie de passer quelques nuits tranquilles en pleine nature au milieu de nulle part. Je demande à Marc s'il en connait quelques-uns pas très loin. Il m'en indique un qui se trouve à seulement deux stations de train d'ici. Il me propose de m'accompagner. Marc est quelqu'un en qui je peut avoir confiance. C'est un garçon réservé mais avec qui il est facile de discuter. Puis, je crois que sous mes airs d'aventurières, ça me rassure d'avoir de la compagnie dans un lieu qui m'est étranger.
Nous sommes parti en début d’après-midi. C'est à dire quasiment à la tombée de la nuit ... Je m’apprête à monter dans la voiture quand je vois un groupe d'oiseaux au plumage noir et blanc réunis sur l'eau. Je sors les jumelles que Marc m'a prêté. J'ai pas mis une seconde avant de reconnaître de quelle espèce il s'agissait. Je n'aurai jamais imaginé l'observer comme ça, par le biais du hasard. Ce sont des Eiders à duvet. Ma photo n'est pas de très bonne qualité mais je conseille à tout ceux qui ne connaissent pas encore cette oiseau de faire une recherche sur internet pour voir son incroyable morphologie.
Le Bothy n'est qu'à 2/3 km de l'endroit où nous nous garons. Le sentier, bien que boueux, est facile d'accès. Nous passons devant un lac, montons une petite bute et nous nous retrouvons face à la mer. Je n'en crois pas mes yeux. Comment un endroit aussi magnifique peut rester aussi sauvage ? Non mais c'est vrai quoi ?! En France, à chaque bord de mer son hôtel, sa route d'accès ou son restaurant. Bon, bien que nous soyons au Nord et que l'eau soit froide toute l'année, je reste bluffée par le caractère resté sauvage du lieu. Je demande à Marc comment aucun promoteur n'a pu faire la démarche de prendre part de ces lieux pour en faire un center parc, ou autres constructions qui ne servent qu'à promouvoir l'économie du pays ou encore distraire les plus riches d'entre nous, privant le reste de la populations des beautés gratuites et naturelles de notre planète ? (Bon, vu mon niveau d'anglais m'a question n'était pas aussi précise mais c'est plus ou moins là où je voulais en venir...). Il m'explique alors que ces terres appartiennent justement aux riches. Aux gens appartenant à la royauté qui n'avaient ni l'envie ni le besoin de vendre leurs terres. Eh oui, c'est la monarchie britannique et je doit admettre que cela a parfois du charme ! Le Bothy est perché au bord de la falaise qui donne directement sur la mer. Ça me parait presque irréel. Pour y accéder nous passons par un ancien éboulement de rochers glissant. Le ciel est rose et il devient difficile de voir où je mets les pieds. Je me sens comme au début d'un film qui va mal finir...
Il fait bon à l'intérieure. On a même pas besoin d'allumer le poêle. Ça doit faire tout juste 8m2. Une baie vitrée donne sur la mer qu'on ne distingue plus vraiment mais on entend le bruit des vagues comme si nous étions dehors.
J'ai pas fermé l’œil de la nuit... Le bruit des vagues, du vent, le matelas... J'ai entendu Marc se lever pour partir. Il doit prendre le train pour passer les fêtes de Noël en famille au centre de l'Angleterre. Il est alors environ 4h du matin. Je tends mon oreille au cas où j'entendrais le cri de Marc en train de chuter de la falaise. Mais rien à part le bruit continuelle des vagues ne se fait entendre. J'ai pris mon livre qui raconte les aventures de Maigret de Georges Simenon. C'est le seul livre potable que j'ai pu acheter en français à Edimbourg quelques semaines plus tôt.
La baie vitrée semble enfin s'éclairer. Je suis toute contente à l'idée de pouvoir enfin me lever et profiter de prendre quelques photos. En sortant je vérifie tout de même si Marc n'est pas mort étendu sur un rocher au pied de la falaise. Mais tout a l'air de s'être bien passé pour lui. Oui, je ne suis pas rassurée et les aventures de Maigret ne m'aide pas à avoir des pensées positives. Je n'en reviens toujours pas de la beauté des lieux. Si j'avais juste une clé pour fermer l'entrée du bothy et me protéger des fous errants qui n'existe peut-être que dans mon imagination, j'aurai surement décidé de défaire mes valises ici. Mais à l'heure actuelle, je ne me sens pas assez en phase avec les lieux pour rester une nuit de plus. Pourtant, j'ai déjà dormi seule en tente au milieu de nulle part et l'idée de dormir dans un refuge non-gardé en France ne m'a jamais trop effrayée mais le fait d'être loin de tout ce que je connais et de ceux qui m'aime doit accentuer mes craintes. Je reprends la route pour rejoindre la gare d'Arisaig. Il n'y a rien ici. Pas de magasins, ni de café, ni même une cabine pour attendre le train. Après plus de deux heures dans le froid, mon train de retour arrive enfin.
Derniers jours à Mallaig :
Il me reste encore quelques jours pour profiter de visiter l'île de Skye. J'organise mon projet pour le 25 décembre. Tout à l'air de pouvoir se réaliser. L'auberge de jeunesse et disponible et le ferry part suffisamment tôt le matin pour que je puisse avoir le temps de rejoindre Portree avant la nuit. Nous sommes le soir du réveillon. J'ai eu toute ma famille au téléphone ce qui m'a fait un bien fou. J'ai réservé deux nuits dans l'auberge et je suis allé me coucher pour être en pleine forme.
Le Ferrie part à 8h40. Je me lève tôt pour être sûre de ne pas le rater. Il fait encore nuit et froid quand je me dirige vers le port. Je ne vois personne. Le guichet est fermé. Je me rends compte que je n'ai pas pris la précaution de réserver mon billet par internet. Je n'ai pas de connexion 4G pour le faire depuis mon portable mais j'ai encore le temps de retourner chez Marc. J'arrive chez lui et me dépêche de me connecter. J'accède à la page de réservation mais impossible de la finaliser. Il y a bien un ferry tous les lundis mais j'avais pas fait attention à la note du bas qui précise "No service 25, 26 december and 1, 2 january". Je suis dégoûtée... De plus qu'il est trop tard pour annuler les deux nuits réservées dans l'auberge de jeunesse de Portree. Il me faudra encore attendre pour visiter cette célèbre île. Je décide tout de même de prendre mon vélo pour cette journée exceptionnellement ensoleillée et je suis sure qu'il y a pleins d'autres jolis coins à voir dans les environs. En effet, je ne me trompe pas. Le Loch Morar à quelques kilomètres de Mallaig est splendide. L'eau est d'un calme reposant et la route est quasiment vierge de circulation. Une belle découverte avant de quitter cette petite ville.